L'impôt sur les société (IS) a longtemps été une matière inconnue au sein des EPSCP même si, en droit, leurs activités y étaient soumises depuis la naissance de cette imposition spécifique.

L'impôt sur les société (IS) a longtemps été une matière inconnue au sein des EPSCP même si, en droit, leurs activités y étaient soumises depuis la naissance de cette imposition spécifique.

Pour accompagner les professionnels des établissements dans l'acquisition de cette « nouvelle » donnée fiscale, l'Amue a construit des sessions de formation à la fiscalité directe élaborées par Thierry Benoit et Serge Bourgine (chargés de domaine finances).

Entretien.

Qu'est ce exactement la fiscalité « directe » ?

Thierry Benoit : Pour donner un exemple concret, l'impôt sur le revenu ou la taxe d'habitation font partie de la fiscalité directe. Autrement dit la personne redevable de ces impôts les paye directement au Trésor public.

A l'inverse, la TVA, par exemple, est un impôt indirect parce qu'il est collecté non pas directement auprès du redevable réel, le consommateur final, mais par un opérateur intermédiaire avant d'être reversé au Trésor.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés, on le classe dans la catégorie des impositions directes puisque cet impôt, calculé sur les bénéfices dégagés par les entreprises, doit être directement payé au Trésor.

J'ajoute que les établissements sont passibles de l'impôt sur les sociétés, ce qui signifie qu'ils ne le règlent pas automatiquement mais uniquement si leur activités soumises à ces impôt dégagent effectivement des bénéfices.

Pourquoi les établissements sont désormais soumis à l'IS ?

Thierry Benoit :Sur le plan des principes, il faut savoir que l'imposition à l'IS des établissements d'enseignement supérieur et de recherche ne résulte pas d'une modification de la réglementation afférente à l'IS. Il s'agit d'une simple régularisation d'une situation non conforme aux dispositions légales existantes. En effet, certaines activités accomplies par les établissements relèvent par nature du champ d'application de l'IS.

Ne pas les soumettre à l'IS, comme cela était le cas jusqu'au 31 décembre 2002, était donc erroné.

Serge Bourgine : Au titre de certaines de leurs activités, les établissements se comportent exactement comme des entreprises ; elles entrent alors en concurrence directe avec les autres acteurs économiques. A titre d'exemple, grâce à divers financements, dont font partie les subventions publiques, les universités achètent du matériel de haute technologie pour leurs laboratoires de recherche.

Cet équipement technologique combiné avec la compétence particulière développée par les équipes des laboratoires intéressent particulièrement les entreprises qui peuvent avoir besoin de prestations très particulières nécessitant des connaissances avancées et l'emploi de ce matériel spécifique.

Dès lors, ces entités privées sous-traitent aux laboratoires des prestations de services (comme des analyses d'eau par exemple) ou des travaux de recherche (comme la mise au point d'un procédé). Ce travail est facturé par le laboratoire qui se comporte dans cette situation comme un opérateur privé. Or, les universités, ne supportaient pas, avant leur entrée en fiscalité directe, le poids de l'IS contrairement à toute entreprise réalisant des activités similaires aux siennes. A l'évidence, cela pouvait créer une distorsion de concurrence par rapport au secteur privé agissant dans le même domaine d'activité.

Thierry Benoit : Introduire l'IS dans les établissements revient aussi à faire respecter des principes fondamentaux permettant une égalité de tous les opérateurs, quel que soit leur statut juridique, devant les charges publiques et, comme nous venons de le dire, d'éviter des distorsions de concurrence entre eux.

Bref, l'imposition est sous-tendue par la volonté de parvenir à une concurrence équilibrée entre le secteur public et le secteur marchand.

Quel changement cela va entraîner pour les établissements ?

Serge Bourgine : J'ai envie de dire tout et rien.

Rien au vu de l'implication que va avoir l'IS dans les universités. Cette mesure fiscale va amener des questions plus globales auxquelles les établissements doivent répondre d'ores et déjà. Pour appliquer cet impôt il sera nécessaire d'identifier précisément la nature des activités développées par les laboratoires, le savoir acquis, le savoir développé, les moyens mis en œuvre (humain, immobilier, matériel, services internes et externes, collaboration, …) bref réaliser un état des lieux des activités exercées ou pouvant être accomplies et ainsi se donner les moyens d'appuyer les choix politiques de l'établissement sur une connaissance complète de ses atouts et de ses moyens.

C'est aussi en ce sens que je réponds tout. On connaît bien dans les établissements la difficulté de disposer d'informations financières à jour et fiables. La mise en place de l'inventaire des biens des universités et de la tenue de l'amortissement réel budgétaire en est une illustration. Beaucoup a été entrepris dans ces domaines mais beaucoup reste encore à faire. Il en va aussi de même dans le domaine de la protection de la propriété intellectuelle des savoirs des universités.

Il sera désormais impératif pour les universités de recenser le savoir détenu en propre, déterminer ce que qu'elles savent faire de ce qu'elles doivent encore apprendre et maîtriser. De la même manière il va devenir indispensable de déterminer le coût du travail des laboratoires lorsqu'ils s'engagent dans des activités lucratives. Si l'on sait ce que l'entreprise paie pour le travail effectué de l'autre côté les universités savent rarement ce que ça a réellement coûté pour produire ce service.

Thierry Benoit : Ce n'est pas la fiscalité en elle-même qui revêt un intérêt particulier mais ce qu'elle implique pour pouvoir s'appliquer. Elle nécessite la mise en place d'une gestion rationnelle et efficace. Je perçois ces mesures fiscales comme des « aiguillons » qui vont amener les établissements à mieux se connaître eux-mêmes. Sur la base de cette connaissance le pilotage de ces énormes structures sera d'autant plus efficace et même financièrement profitable.

L'université produit de la connaissance. Par le biais des prestations réalisées par les laboratoires au profit des entreprises extérieures, elle « vend » ce savoir. Une fois que les établissements auront recensé ce savoir, toutes les conditions seront remplies pour pouvoir le valoriser commercialement.. Cela nous conduit directement vers les questions de propriété intellectuelle lesquelles sont fondamentales.

Qu'est ce que ça va coûter aux universités de mettre en place cet IS ?

Serge Bourgine : Seuls quatre établissements, à notre connaissance, ont déposé une liasse fiscale même si plusieurs d'entre eux ont sans nul doute travaillé en interne sur ce sujet.

Thierry Benoit : Il est un peu prématuré d'apprécier le coût de cette mesure pour l'ensemble de la communauté universitaire. De plus, il est difficile de répondre pour une autre raison. Payer un impôt sur une activité n'est pas nécessairement un coût car sa mise en place induit une nouvelle organisation, une nouvelle gestion qui va conduire à facturer en conformité aux charges imputées sur cette activité (personnel, énergie etc..). Dans la majorité des cas, les laboratoires étaient en pleine méconnaissance de ces coûts de « fabrication » et pouvaient facturer à perte.

Typiquement, les facturations étaient souvent évaluées sur une base empirique et non sur la base des coûts supportés par l'établissement pour la réalisation de la prestation demandée par l'entreprise. Ainsi la facture présentée à l'entreprise par le laboratoire pouvait être de 10.000 € quand le coût supporté par l'université pour « produire » ce service était très nettement supérieur.

En d'autres termes, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la mise en place de l'IS peut se traduire par un gain financier.

En outre, je souligne à nouveau que seuls les bénéfices de l'université sont concernés. Si les activités passibles de l'IS sont déficitaires au niveau de l'université, aucun impôt n'est à payer car seule cette dernière est regardée comme une entité possédant la personnalité fiscale laquelle conditionne l'assujettissement à l'IS. Assurément, ce n'est pas le cas des structures internes. Aussi, le fait que certaines puissent être bénéficiaires et d'autres déficitaires n'a pas un impact direct sur leur situation propre. En tout état de cause, le calcul se fait de manière globale, c'est-à-dire par rapport au résultat fiscal dégagé par l'établissement dans son ensemble.

Comment déterminer le champ d'application de l'IS dans une université ?

Serge Bourgine : Une fois effectuée l'analyse précise des activités menées au sein de l'établissement, il va falloir distinguer celles qui sont lucratives, au sens fiscal, des autres. Pour déterminer si une activité est lucrative au sens fiscal il faut se poser une série de questions. Est ce que cette activité concurrence le secteur marchand privé ? Si c'est non l'activité est alors déclarée non lucrative. Dans l'affirmative une deuxième question doit permettre le classement : est ce que cet état de concurrence avec le secteur marchand est conforme à l'intérêt général ? Si l'on répond par l'affirmative, l'activité est alors déclarée non lucrative. Une réponse négative permet, au contraire,de considérer cette activité comme lucrative. Il y a donc lieu de la soumettre à l'IS qui est perçu, je le rappelle, uniquement sur les bénéfices.

Thierry Benoit : L'enseignement, par exemple, n'est pas une activité lucrative.

Les universités ont toute latitude pour mettre cette nouvelle organisation en place. Le principe d'autonomie joue pleinement et chaque établissement peut se structurer comme il le souhaite. Il n'y a pas de modèles, mais nous disposons d'exemples de démarches d'établissements plus avancés que d'autres sur cet aspect. Ce sujet est également abordé à l'occasion des formations qui se déroulent actuellement.

Quoi qu'il en soit, il me paraît important de dire que la fiscalité présente à mes yeux une vertu, celle d'ouvrir une fenêtre sur un domaine particulièrement important pour les établissements, à savoir le développement d'une gestion interne rationnelle et pertinente autorisant un véritable pilotage résultant de choix politiques éclairés.

En apportant ses obligations, la fiscalité conduit, tout compte fait, les établissements à disposer d'outils offrant des éléments précieux pour construire, orienter et développer telle ou telle politique.

On voit bien ainsi que la fiscalité a des adhérences avec d'autres domaines. Elle rejoint, en particulier, un chantier, ô combien d'actualité, qui est celui de la LOLF.


 

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