Publié le 13 déc. 2019
Le passage à la GBCP dessine une nouvelle ligne de partage des rôles entre l’ordonnateur et le comptable: le premier se charge du pilotage budgétaire tandis que le second est le garant de la qualité comptable. Pour autant, ce partage des rôles apparait éloigné d’une conception figée du principe de la séparation de l’ordonnateur et du comptable. Au contraire, la recherche d’un fonctionnement efficient implique de raisonner sur les circuits financiers dans leur globalité et d’accepter de faire évoluer les organisations : tel est le fil conducteur de cet échange entre Serge BOURGINE, directeur du pilotage financier de l’Université Paris Diderot et président de l’Association des directeurs financiers, et José MORALES, agent comptable de cette même Université et président de l’Association des agents comptables d’Universités et d’établissements.
Ils étaient invités à l’occasion du parcours de formation des « directeur(ice)s des affaires financières » organisé par l’IH2EF et l’Amue, pour évoquer « les relations entre le directeur financier et l’agent comptable dans une université en mutation ». Cette université (29 000 étudiants, 3800 personnels 87 laboratoires de recherche) est engagée dans une fusion avec Paris Descartes pour former, avec l’Institut Physique du Globe De Paris, l’Université de Paris. Nous vous proposons quelques extraits choisis de cette table ronde. Propos recueillis et retranscris par Antoine SCHWARTZ, chargé de domaine Finances à l’Amue.
Passer de l’Université Paris Diderot à l’Université de Paris en fusionnant avec l’Université Paris Descartes implique un doublement des volumes d’activités. C’est un défi ?
Serge BOURGINE :
« C’est un challenge pour le nouvel établissement de garantir que la bascule ne va pas interrompre la continuité des flux. Si nous voulons arriver à absorber la volumétrie d’activité, il faut que nous soyons capables d’intégrer aussi une évolution de procédures. S’agissant du partage des rôles entre ordonnateur et comptable, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait faire évoluer le partage des missions entre les uns et les autres.
En fait, l’évolution des normes nous amène à être de plus en plus exigeant, à la fois dans nos services et par rapport à ce qui se passe dans l’établissement. Notre analyse est qu’à l’heure de la GBCP, l’époque où l’on pouvait dire ‘‘ça c’est l’affaire de l’ordonnateur, ça c’est l’affaire l’agent comptable’’ est finie. Il faut raisonner sur le flux global. Une information qui va arriver en comptabilité générale, elle est initiée dès la commande d’achat ; on dit parfois que 80 % de l’information nécessaire au paiement est saisie dès la commande d’achat. »
Ce raisonnement en « flux global » concerne-t-il la préparation du budget ?
Serge BOURGINE :
« Avec José, nous sommes en lien permanent y compris sur la partie construction budgétaire et la partie prospective pluriannuelle. Lorsque nous présentons le budget et le compte financier il n’y a pas un rapport de l’ordonnateur et un rapport de l’agent comptable, mais bien un rapport de l’établissement. Le budget, c’est à la fois de la compta budgétaire et de la compta générale, et c’est avec cet ensemble de données que l’on arrive à analyser ce qui se passe dans l’établissement. Ça marche de la même façon au moment du compte financier. On travaille ensemble sur l’analyse et sur la production des données et on les présente ensemble devant le commissaire aux comptes et devant les instances. »
Qui dit flux intégré dit approche intégrée elle aussi ?
José MORALES :
« Qu’est-ce que cela veut dire une approche intégrée ? Cela veut dire une approche complémentaire. Ce n’est pas une approche qui méconnait les prérogatives des uns et des autres ; cela ne méconnait pas la responsabilité personnelle et pécuniaire de l’agent comptable, bien au contraire. Mais lorsque l’on veut mettre en œuvre des modes d’organisation qui permettent de sécuriser l’environnement financier et comptable, la complémentarité évite « les trous dans la raquette » ; elle évite que sur une procédure ou sur un cycle donné il y ait des points qui ne soient pas contrôlés. Elle évite aussi les redondances dans un environnement de réfaction des finances publiques. Ce que l’on va rechercher c’est l’efficience… »
De cette méthode résultent une offre de service et une convention de partenariat entre les deux…
José MORALES :
« Nous sommes partis de nos expériences respectives pour essayer d’appliquer cette méthode. C’est une nouveauté dans le cadre de l’Université de Paris. Sans exclure aucun domaine, nous avons porté une réflexion sur ce qui nous semblait être, au regard du projet d’établissement, l’organisation la plus efficiente, la plus complète, la plus intégrée. Dans certains cas cela va se traduire par un transfert de compétences de l’ordonnateur vers l’agent comptable, et dans d’autres, par un « contrat de confiance » de l’agent comptable à l’ordonnateur, lui permettant de lever un certain nombre de contrôles, parce qu’il a la garantie, la certitude que dans la sphère de gestion les contrôles sont organisés, structurés, formalisés, et donc qu’il n’y aurait pas de raison de venir ajouter une deuxième couche de contrôle s’ils sont déjà opérés de manière efficiente. »
On imagine souvent les agents de ces services arcboutés sur leurs missions de contrôle…
José MORALES :
« Il s’agit d’une question de culture d’établissement. Les collaborateurs de l’Agence comptable n’ont pas forcément envie de faire du contrôle pour faire du contrôle. Ils ont envie – Serge emploie cette expression – de donner du sens à ce qu’ils font. Donner du sens ce n’est pas uniquement appliquer une grille de contrôle et venir « en opposition », ou « en contrepouvoir »... Il doit y avoir un enrichissement dans les fonctions en trouvant un juste équilibre. »
Serge BOURGINE :
« L’agent comptable est garant de la régularité, mais j’espère que les directeurs financiers le sont aussi, sinon ça n’a pas de sens. Nous croyons au travail en équipe. Sinon on fonctionne de façon cloisonnée, chacun dans son service, à penser que c’est la faute de l’autre. Nous avons mis ensemble les équipes, par exemple, sur les contrats de recherche. Le processus consiste à produire des bilans sur des contrats pour les transmettre aux financeurs. Et bien on s’est vite rendu compte que les collègues qui faisaient le contrôle à l’agence comptable faisaient les mêmes vérifications que ce qui était fait en amont. On s’est mis autour de la table pour faire quelque chose de plus intelligent. Cette démarche nous a ainsi amené à repositionner des actes de gestion chez l’un ou chez l’autre. »
José MORALES :
« Ce qui est très important dans notre approche, c’est d’avoir accepté de ne pas s’arcbouter sur un cycle pour savoir qui doit faire quoi. Qu’est-ce qui est le plus efficient ? Qu’est-ce qui fonctionne le mieux en termes de délai de traitement et de restitution ? Et à partir du moment où nous avons réglé ces questions-là, nous avons toujours trouvé un partage et un équilibre qui ne braquent pas les collaborateurs ; ça permet de donner un peu plus de contenu ou de sens aux missions. »
Pourriez-vous donner un exemple de transfert de compétences ?
José MORALES :
« Le cycle qui illustre le mieux cette notion de partenariat, et donc le changement de la ligne de partage de compétences entre l’ordonnateur et l’agent comptable, c’est le processus des missions. Vous savez que le processus des missions est extrêmement clair en termes de prérogatives de l’agent comptable : la nomenclature des pièces justificatives des organismes soumis à la GBCP dit que pour payer l’agent comptable a besoin de deux choses seulement : l’ordre de mission et l’état liquidatif. Nous n’avons pas cette approche là parce que nous considérons que les missions constituent en termes de volumétrie, en termes de zone de risques, un cycle qui doit être mis sous contrôle. Nous avons pris deux décisions. D’abord de tout dématérialiser : toutes les pièces justificatives sont dans l’outil. Ensuite ces pièces vont être soumises à un contrôle, et dans notre organisation nous avons décidé que ce contrôle était porté par l’agence comptable. »
Il s’agit d’un contrôle exhaustif ?
José MORALES :
« En effet, il s’agit d’un contrôle a priori exhaustif. »
Ces règles sont-elles été présentées au conseil d’administration ?
José MORALES :
« Toutes les règles de gestion sont délibérées au conseil d’administration. En revanche, le fait que tout soit dématérialisé, c’est un choix d’organisation. »
Avez-vous un autre exemple de partenariat et redéfinition du partage de compétences ?
José MORALES :
« La monétique. Parce que c’est un sujet pour nous extrêmement important, parce qu’on s’est aperçu qu’un grand nombre de dépenses de proximité étaient gérées sous le régime de régies d’avances, d’avances ou en menues dépenses, qui généraient beaucoup d’activité, qui étaient extrêmement chronophage, avec des procédures lourdes, etc. Nous portons une réflexion sur l’implantation de cartes achats pour permettre à nos responsables financiers, dans le cadre d’une charte qui a été co-rédigée entre la direction financière et l’agence comptable de mener ces dépenses de proximité avec cet outil monétique. Nous avons décidé que l’opportunité de donner ou non une carte achat relève de la sphère de la direction financière, en revanche tout ce qui concerne le flux de la régularité, du contrôle de la régularité est confié, par délégation, à l’agence comptable. »
Qu’en est-il en matière de contrôle interne, budgétaire et comptable (CIBC) ?
Serge BOURGINE :
« Le choix interne à l’établissement est de positionner la démarche comme un outil d’appui à la gouvernance et de pilotage, comme une démarche globale de l’établissement. Le CIBC est donc positionné au niveau de la direction générale des services. Le dispositif d’analyse des risques que nous avons formalisé est aussi très orienté vers une gestion du flux intégré. Toujours en nous disant que, le process, lorsqu’on l’analyse, doit l’être du début jusqu’à son dénouement, sans s’arrêter lorsque l’on bascule de la sphère ordonnateur à celle du comptable. Sinon notre cartographie des risques serait tronquée.
Nous avons bien deux cartographies des risques, une ordonnateur, l’autre comptable ; mais nous la présentons de façon unique et globalisée au conseil d’administration. Lequel, je pense, s’intéresse peu au fait de savoir si le risque se situe côté ordonnateur ou côté comptable. Ce qui l’intéresse c’est que l’on puisse établir que sur tel sujet il y a un facteur de risque : voici pourquoi le risque existe, voici ce que pèse ce risque notamment en lien avec la réalisation des activités de l’université et voici ce que nous avons mis en place pour le mettre sous contrôle. »
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